J’ai toujours été passionnée par les chiens ! Lorsque j’ai enfin eu l’autorisation d’avoir « mon » propre chien, j’ai craqué pour Fitch, petit Border Collie issu d’un élevage familial. Malheureusement pour nous deux, j’ai voulu bien faire en fonction de ce que je pensais connaître des chiens, mais n’ai pas toujours été très adéquate… Bien sûr, je ne l’ai jamais malmené « volontairement ». Mais je pensais qu’il fallait qu’il supporte toutes manipulations sans rien dire, qu’il accepte de se laisser tirer la queue, les oreilles, etc, au cas où un enfant viendrait à le faire, pour éviter l’accident. Lorsqu’il grognait je le réprimandais, il a donc désappris à le faire. Et bien sûr, il devait obéir au doigt et à l’oeil. Bref, autant de choses qui ont quelque peu abîmé la confiance qu’il avait en moi, et notre relation. Et comme Fitch est un chien extrêmement gentil et conciliant, il n’a jamais manifesté qu’il pouvait ne pas être d’accord avec ce que je lui imposais, il a subit en silence.
Ensuite, maman a accueilli Farouk, chiot berger allemand. Elle aussi a voulu bien faire, on l’a emmené au club pour le socialiser. Et lorsqu’en grandissant Farouk s’est mis à être très « exubérant », Les gens ont commencé à avoir peur de lui, car il hurlait dès qu’il voyait un autre chien… Maman a donc cessé d’y aller, puisque personne ne l’aidait, qu’elle était juste jugée incompétente, et que le comportement du chien empirait. Bien sûr, le cercle vicieux était enclenché, le chien n’a pas évolué dans son comportement, et les gens que l’on pouvait croiser en extérieur réagissait tous comme les gens du club. On a donc cherché de l’aide, en consultant divers « spécialistes ». On a eu droit à « Ce chien est dangereux, il a grogné sur votre fils, il faut le faire euthanasier ! ». A suivi bien sûr le « Il est dominant, il faut lui faire comprendre que c’est vous le chef ». Enfin, maman a voulu consulter un comportementaliste renommé par internet, qui, sur base d’une simple description écrite du chien de 2 pages, s’est permis d’émettre un jugement catégorique : selon lui, Farouk était « agressif » et « dangereux », et devait absolument être traité avec des psychotropes. Autant dire que ce monsieur a perdu tout crédit à mes yeux.
Pour ma part, je connais Farouk, je l’ai vu dans maintes situations, et il y a une chose dont je suis certaine, c’est que ce chien n’a jamais été agressif. Il monte très vite en excitation et se met à hurler quand il rencontre un chien qu’il ne peut pas aller voir, mais il cela s’arrête là. Il a d’ailleurs toujours très bien géré toutes les rencontres canines à laquelle on ne l’a pas soustrait. Mais suite à tout cela, maman s’est mise à avoir peur de ce qu’il pourrait éventuellement arriver, par manque de compréhension et de contrôle. Le chien ne sortait donc jamais si je n’étais pas là pour le gérer, puisque je n’ai pas peur et que je suis beaucoup plus sereine que maman vis-à-vis de son attitude.
Par la suite, je suis venue m’installer en France. Et nous avons accueilli un second Border Collie, Djinn. En allant le voir lorsqu’il avait une semaine, je me suis tout de suite rendue compte que je faisais une « connerie ». La mère des chiots était très anxieuse et hyper attachée à sa maitresse (le mot est faible !), tandis que le père était complètement surexcité, à s’acharner tout seul sur un ballon pendant tout le temps où on était là. Bref, j’avais beau savoir que les parents et l’environnement de vie de ce petit loup n’avaient rien de vraiment propice au développement d’un caractère serein, j’ai craqué, en me disant que je rattraperais le coup. Et surtout parce que, soyons honnête, si on me met un chiot dans les bras, en général c’est foutu…
Nous voilà donc reparti 2 mois plus tard avec un petit chien adorable, mais qui directement s’est révélé très craintif et anxieux. Ne voulant pas répéter les mêmes erreurs qu’avec Fitch (qui n’a pas du tout été socialisé étant petit), j’ai voulu le confronter à ses congénères dès qu’il serait vacciné, j’ai donc trouvé un club canin près de chez nous. Très vite, il m’a montré qu’il avait besoin de moi pour se sécuriser face à cette épreuve : il restait scotché à ma jambe malgré les séances, évitant le contact avec les gens et les autres chiens. Lorsque l’on m’a demandé de quitter le petit enclos des chiots pour le laisser gérer seul la situation, puisque l’ignorer ne suffisait pas, ni une ni deux, il s’est hissé dans une brouette, et a attendu que ça passe… J’ai alors compris je devrais le gérer pour ce qu’il était, sans le brusquer. Très vite, il s’est révélé en avance niveau obéissance par rapport aux autres chiots, et l’on m’a fait passer au cours des « grands ». Par contre les autres chiens ne pouvaient toujours pas l’approcher. Sans m’en rendre compte, je m’éloignais de la raison pour laquelle j’avais décidé de venir au club.
Je me suis donc retrouvée avec mon pilou de 4 mois et demi dans le cours des 6 mois et plus. J’ai évidemment adapté les choses en fonction de lui, je ne faisais pas tous les exercices, pour ne pas le saturer, mais surtout parce que certains moments auraient été ingérables pour lui (par exemple quand le moniteur demandait à tout le monde de se croiser dans tous les sens sur un tout petit espace, avec le chien au pied, et en faisant plein de bruits). Très vite, l’éducation n’a plus présenté d’intérêt à mes yeux : j’avais un chien d’à peine 6 mois qui déambulait sans laisse, calmement, et qui m’écoutait parfaitement. Alors, en me disant que ça lui ferait du bien, j’ai commencé des petits cours d’initiation à l’agility, encore une fois en adaptant ce qu’on me proposait en fonction de lui et de ses réactions, pour ne jamais le brusquer. Au bout de quelques séances, j’étais convaincue que tout cela était bien, vu qu’il semblait adorer ça.
Mais les problèmes liés aux autres chiens n’étaient toujours pas réglés. Si un autre chien l’approchait et qu’il était en laisse, il se jetait sur lui sans prévenir, sans jamais mordre vraiment, mais tout de même avec un claquement de mâchoires… En liberté, il se contentait d’esquiver le contact, et s’il ne pouvait pas l’esquiver, il se ramassait sur lui-même, terrorisé… D’autre part, il restait méfiant vis-à-vis de l’humain. J’ai donc décidé de demander de l’aide. Je suis alors tombée sur le site de l’IRCA, et j’ai contacté Christine Chozenon pour demander à participer à des balades sociales avec d’autres chiens. Elle m’a proposé un rendez-vous individuel dans un premier temps.
Ce premier rendez vous a été comme un énorme caillou jeté dans une mare. Une grosse partie de ce que je pensais savoir sur les chiens depuis des années a été remis en question en 2h30 de temps… Certaines choses m’ont semblé logiques tout de suite. D’autres l’étaient moins, parce que je ne percevais pas alors la portée que cela avait. Bref, je suis revenue de ce rendez vous complètement chamboulée, ne sachant plus trop sur quel pied danser. J’ai pris un second rendez-vous, afin de confronter ce que j’avais pu intégrer et ce qui me posait problème. J’ai alors rencontré Nadine Chastang et Eris, chien régulateur. Et là, deuxième gros choc puisqu’à nouveau on me démontrait par A+B que les choses n’étaient pas forcément telles que je les voyais jusque là ! Mais je restais dubitative sur certains points, qui remettaient trop de choses en question.
Plusieurs raisons m’ont poussé à en rester là : le manque d’argent, devoir aller sur Bordeaux pour les séances, et le fait que pour moi le club avait pris une importance sociale puisque je débarquais en France sans connaître personne. D’autre part, j’attendais de voir si Christine pouvait organiser des balades sur Langon, comme elle l’envisageait alors. Ce qui ne s’est pas fait.
Djinn n’a donc pas beaucoup évolué dans son comportement social, et j’ai continué de jouer à la balle avec lui, de faire de l’agility, etc, malgré les conseils reçus à ce sujet. J’avais à la base un chien vif et très réactif, et par ce que j’ai fait avec lui pendant cette première année de vie, j’en ai fait une bombe surexcitée dans certains contextes. Il lui arrive encore aujourd’hui, des mois après, de perdre complètement le contrôle, sur base d’un simple mot auquel il a été conditionné…
Heureusement, ce que j’avais intégré lors de ma rencontre avec Nadine et Christine a pu doucement germer et croitre dans un coin de ma tête, car ce que je voyais au club ne me plaisait pas. Tout cela a commencé à vraiment me déranger : ma perception et compréhension du chien et de son comportement, des interactions entre maîtres et chiens, étaient considérablement changées. J’ai donc pris la décision de reprendre contact avec Christine afin d’en apprendre plus, et surtout, de travailler avec Djinn pour qu’il évolue vis-à-vis des autres chiens, car pas grand-chose n’avait changé. Et en parallèle, j’ai complètement arrêté d’aller au club, ce n’était plus compatible avec le nouveau paradigme que je construisais autour du chien.
Depuis, cela va faire presque un an que je participe aux activités autour du chien proposées par Nadine et Christine, et je ne regrette vraiment pas mon choix. Loin des idées courantes du monde canin, cette « philosophie » du chien et la méthode qui en découle sont d’une pertinence et d’une efficacité incroyables. Le chien est respecté pour ce qu’il est, selon son fonctionnement et comportement de chien. On ne lui impose pas une obéissance, des contraintes inutiles, il accepte d’interagir et d’écouter ce qu’on lui demande parce qu’il est vraiment consentant, sans leurres ni artifices. Il apprend à communiquer avec son espèce, à s’intégrer à son milieu de vie, et parallèlement l’humain apprend à communiquer avec lui de manière efficace et compréhensible !
Et tout cela a permis de réellement changer les choses, j’ai pu constater une évolution chez ces 3 chiens, tous différents, avec une problématique différentes. Bien sûr, rien n’est parfait, rien ne l’est jamais. Et bien sûr, je fais encore probablement beaucoup d’erreurs. Mais les choses changent parce que chaque jour je me pose des questions et je tente de réfléchir pour mieux comprendre ce qui est à l’œuvre dans mes interactions avec eux. Petit à petit, Djinn s’affirme, prend confiance, apprend à interagir avec les autres chiens. Et j’ai de moins en moins peur de comment il pourrait réagir vis-à-vis de l’humain. Avec Fitch, j’arrive petit à petit à reconstruire la confiance étiolée de notre relation. Ce chien qui ne revenait jamais au rappel revient maintenant, et pas parce que je l’y contrains, simplement parce que je suis cohérente et respectueuse, autant que faire se peut ! Et Farouk a pu rencontrer Nadine, qui a pu confirmer qu’il n’était pas « agressif » à proprement parler, et contribuer grandement à comprendre le pourquoi de son comportement, afin de petit à petit, mettre en place des choses qui pourraient l’aider à évoluer, lui aussi !
Pour terminer ce témoignage, je citerai juste ce que les gens m’expriment depuis peu quand ils viennent chez moi : « C’est incroyable ta relation avec tes chiens, comme tu communiques avec eux, comme ils te comprennent, t’écoutent, et tout ça si simplement ! Comment tu fais ? ». Et là j’ai le sourire aux lèvres, et je réponds que c’est grâce à un grand monsieur, André Escafre, que je n’ai pas eu la joie de rencontrer personnellement, mais pour qui j’ai énormément de gratitude, pour ce qu’il a réussi à créer, au fil du temps, du travail et de la réflexion. Et également grâce à Nadine et Christine, qui sont passionnées, et qui donnent sans compter pour contribuer à répandre cette philosophie, cette méthode, qui en plus d’être justes et respectueuses, sont d’une efficacité indéniable !